Réforme de l’OFNAC : Amadou Gueye dénonce un « piège institutionnel » dans la loi 2024-06

Le juriste et chercheur Amadou Gueye a vivement critiqué la loi n° 2024-06 modifiant le cadre de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC), la qualifiant de « piège institutionnel ». Dans une analyse approfondie, il souligne les « pouvoirs exorbitants » accordés au président de l’OFNAC, créant un déséquilibre au détriment des autres institutions judiciaires.

La loi 2024-06, adoptée sous l’ancien régime, a considérablement renforcé les pouvoirs du président de l’OFNAC, au point d’en faire une autorité « plus puissante que tous les parquets réunis », selon Gueye. L’article 2, passé de 2 lignes à 17 alinéas, consacre cette «superpuissance » en permettant au président de :

– Diriger et contrôler toutes les enquêtes ;

– Dessaisir d’autres juridictions (parquet financier, juges d’instruction) par simple réquisition ;

– Décider unilatéralement d’une médiation pénale, éteignant ainsi l’action publique.

« Le mot “Président” revient 11 fois dans cet article… C’est une concentration de pouvoir sans précédent », déplore Gueye, appelant à une réforme urgente pour rétablir l’équilibre institutionnel.

Autre problème soulevé : le mandat du président de l’OFNAC, désormais fixé à 5 ans renouvelable une fois (contre 3 ans auparavant), avec une quasi-impossibilité de le démettre (sauf pour « faute lourde »). « L’actuel président, nommé par l’ancien régime, pourrait difficilement collaborer avec les nouvelles autorités », estime Gueye, suggérant une démission pour éviter des conflits d’intérêts.

La loi introduit une procédure de médiation pénale exclusive au président, permettant à des personnes accusées de corruption ou d’enrichissement illicite d’échapper à des poursuites. « Un délinquant financier peut négocier directement avec le président, sans collégialité, et obtenir l’extinction de l’action publique », alerte Gueye, rappelant les dangers d’une telle disposition.

Si Amadou Guèye salue certaines avancées de la loi (élargissement des compétences de l’OFNAC, conformité aux conventions internationales), il insiste sur la nécessité de corriger ses dérives. Il propose notamment de remplacer ce « président tout-puissant » par un parquet fort, plus transparent et collégial.

Cette analyse intervient alors que le Premier ministre Ousmane Sonko a annoncé une réforme de l’OFNAC lors de la séance des questions d’actualité du 14 avril. Reste à savoir si les modifications envisagées répondront aux inquiétudes soulevées.

Letourquotidien

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