À l’occasion de la 79e session ordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies à New York, le Président Bassirou Diomaye Diakhar Faye a prononcé hier un discours mémorable. Ce discours a été salué par de nombreuses personnalités qui ont exprimé leur admiration pour les propos du chef de l’État sénégalais.

  • Voici l’intégralité du discours du Président Bassirou Diomaye Diakhar Faye

Monsieur le Président de l’Assemblée générale,
Mesdames et Messieurs les Chefs d’État et de Gouvernement,
Monsieur le Secrétaire général,
Mesdames et Messieurs,
Distingués délégués,

Avant tout propos, je voudrais saisir cette tribune pour saluer à nouveau la
mémoire de mon compatriote Amadou Makhtar Mbow qui vient de nous quitter.
Ancien directeur général de l’UNESCO, de 1974 à 1987, il fut un homme d’état
émérite et un fervent acteur panafricain de la lutte pour les indépendances.

Je félicite monsieur Philémon Yang pour son élection à la présidence de cette
79e session de l’Assemblée générale des Nations Unies, ainsi que son
prédécesseur, pour sa contribution à la mise en œuvre de notre agenda
commun. À travers vous, je formule mes vœux de succès dans la conduite de nos
travaux. Je salue également l’engagement constant du Secrétaire général,
Monsieur António Guterres, dont les efforts pour promouvoir la paix, la dignité
humaine et le multilatéralisme sont plus que jamais nécessaires.

Le Sénégal renouvelle son plein soutien à sa mission en ces temps de grandes
turbulences mondiales.

En prenant la parole aujourd’hui, je suis habité d’une conviction profonde :
l’unité dans la diversité est la clé pour garantir la paix, le développement
durable et la dignité humaine pour tous, partout dans le monde
. Ce thème de
la présente session, qui guide nos discussions, nous invite à repenser nos
responsabilités collectives, et à nous assurer que les principes fondateurs des
Nations Unies, définis il y a près de huit décennies, continuent de porter la
promesse d’un monde plus juste et plus équitable.

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,

Nous vivons dans un monde troublé, où les principes de la Charte des Nations
Unies, qui prônent l’égalité, la justice et le respect des droits humains, sont
chaque jour mis à mal. Les conflits s’étendent, les inégalités se creusent, et les
crises climatiques aggravent la vulnérabilité de millions de personnes à travers
le monde. De surcroit, nous assistons à une remise en cause inquiétante du
multilatéralisme, à un moment où l’humanité en a le plus besoin.

Le monde doit se regarder en face, sans complaisance. Les valeurs que nous
avons juré de défendre sont piétinées dans plusieurs régions du globe. Que l’on
soit à Gaza, à Tel Aviv, à Dakar ou ailleurs, chaque être humain est porteur de
cette égale dignité, une dignité qui transcende les frontières, les cultures et les
appartenances religieuses. C’est notre devoir à tous de veiller à ce que cette
dignité soit protégée et respectée pour chaque être humain, sans exception. Ce
devoir est l’essence même des Nations Unies.

Pourtant, nous constatons chaque jour que le droit international, ciment de la
paix mondiale, est souvent violé. Des résolutions adoptées par cette même
Assemblée sont ignorées. En tolérant ces violations répétées, nous foulons aux pieds les principes de la Charte des Nations Unies et sapons les fondements
mêmes de cette Maison de la paix.

Jamais les fondements des Nations Unies n’ont autant vacillé qu’en ces temps
de violence, de peur et d’incertitude. Si nous voulons éloigner le spectre de la
guerre et œuvrer à l’avènement d’un monde meilleur, alors il est temps de
changer de paradigmes. Il est temps de remettre l’humain au centre de l’agenda
international, comme nous y invite le thème de cette session.

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs
,

Nous ne pouvons plus fermer les yeux sur la tragédie qui se déroule dans le
Sahel. Des groupes terroristes sèment la terreur, pillent et tuent des populations
civiles innocentes. Cette région, autrefois stable, est désormais en proie à une
violence quotidienne, tandis que les Nations Unies, et particulièrement le
Conseil de sécurité, restent trop souvent inertes. De même nous ne pouvons pas
accepter que le Sahel devienne le théâtre de rivalités de puissances étrangères
,
dont les affrontements ne font qu’aggraver la déstabilisation de la région.

Je dois rappeler ici que la paix et la sécurité de l’Afrique sont indissociables de
la paix mondiale
, et il est impératif que le Conseil de sécurité remplisse
pleinement son rôle en tant que garant de la stabilité internationale.
J’exprime à nouveau la préoccupation du Sénégal face à la situation tragique qui
perdure en Palestine. Des générations entières y ont grandi sous l’ombre de
l’oppression, privées de leur droit fondamental à un État viable.

Le Sénégal, en tant que Président du Comité pour l’exercice des droits
inaliénables du peuple palestinien, appelle à un cessez-le-feu immédiat et
durable.
Nous réitérons notre soutien à la solution des deux États, avec Jérusalem-Est comme capitale de la Palestine, conformément aux résolutions
pertinentes des Nations Unies. Cette guerre, qui n’épargne ni femmes, ni
enfants, ni infrastructures vitales, est une plaie ouverte sur la conscience
internationale. Il est impératif que le droit international humanitaire soit
rétabli
dans toutes les zones de conflits, et que les Nations Unies jouent
pleinement leur rôle de médiateur et de garant de la paix.

Mesdames et Messieurs,
La paix, ce n’est pas seulement l’absence de guerre. La paix, c’est aussi la
possibilité pour chaque être humain de vivre dans la dignité, de se nourrir, de
se loger, de s’éduquer et de recevoir des soins.
Or, aujourd’hui, plus de 750
millions de personnes ne mangent pas à leur faim, et des millions basculent
chaque jour dans l’extrême pauvreté. Ces chiffres éloignent de plus en plus le
monde des Objectifs de Développement Durable fixés pour 2030.

Nous ne pouvons plus accepter que les mécanismes de gouvernance mondiale
continuent de reproduire ces inégalités.
Il est temps de rompre avec la logique
du chacun pour soi et de bâtir un nouveau contrat social global, fondé sur la
solidarité et la coopération. Ce contrat doit inclure des réformes majeures pour
s’attaquer aux défis politiques, économiques et environnementaux de notre
époque.

Premièrement, il est impératif de sauvegarder et de renforcer le
multilatéralisme comme cadre unique d’action pour la paix et la sécurité
internationales. Cela passe par une réforme urgente des institutions mondiales,
notamment le Conseil de sécurité, le FMI et la Banque mondiale, afin qu’elles
soient plus inclusives et qu’elles reflètent les réalités géopolitiques et
économiques actuelles. Le continent africain, en particulier, doit avoir une place
plus importante dans ces instances de décision.

Deuxièmement, il est temps de corriger les injustices économiques qui freinent
le développement de nombreux pays du Sud. Le commerce inégal, l’évasion
fiscale, les flux financiers illicites et les congés fiscaux abusifs
ruinent les pays
en développement, notamment en Afrique. Ces injustices doivent être corrigées
pour permettre à tous les pays de participer pleinement au commerce mondial
et de bénéficier de la croissance économique.
Troisièmement, il est essentiel d’agir avec détermination contre le
réchauffement climatique, en respectant le principe de responsabilité
commune mais différenciée
. Les pays industrialisés, responsables historiques
des émissions massives de gaz à effet de serre, doivent intensifier leurs efforts
pour financer une transition énergétique juste et équitable, qui ne pénalise pas
les pays en développement. Nous devons impérativement protéger notre
planète sans sacrifier les droits des nations les plus vulnérables à poursuivre leur
développement.

Quatrièmement, il est nécessaire de rompre avec toute tentative d’imposition
de normes civilisationnelles unilatérales. Depuis son indépendance, le Sénégal a
toujours défendu l’égale dignité des cultures et des civilisations, et cette
diversité doit continuer à être la base de la coexistence pacifique entre les
peuples. Aucune nation ne devrait imposer aux autres ses pratiques ou ses
valeurs comme des normes universelles. Le respect des différences est le
fondement de la paix et de la stabilité dans le monde.

Mesdames et Messieurs,

Le Sénégal est fermement engagé dans cette voie. Nous avons choisi de bâtir un
État résolument tourné vers le développement durable, avec des initiatives
ambitieuses dans des domaines tels que les énergies propres, la souveraineté alimentaire et la gouvernance transparente. Mais nous savons que, pour réussir,
nous avons besoin de l’action collective et de la solidarité internationale.

Aucun pays, aussi puissant soit-il, ne peut relever seul les défis qui menacent
l’humanité.
Il nous faut agir ensemble, unis dans la diversité, pour construire un
avenir où la dignité humaine est respectée, où la justice prévaut, et où la
prospérité est partagée. C’est par la coopération et le respect mutuel que nous
surmonterons les crises qui secouent notre monde.

Je vous remercie de votre aimable attention.

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